jeudi 11 janvier 2018

Nouvel An austral, par Agnès

Feliz ano nuevo! 

26 decembre, nous quittons Cochrane par une belle journée ensoleillée.
Cochrane aura été une belle étape : on y a fait le plein de sommeil, le plein de vitamines oranges, salades fruits et légumes, de protéines grace aux bons plats de Noel, boeuf bourguignon, ET.... le plein de cadeaux! Si, si, le Père Noel a trouvé l'adresse de la cabana, il a deposé  au pied du sapin des tas de surprises: kit dessin avec carnet feutres et crayons de couleur, couteau suisse, Nutella, flute a bec, fromage de La Junta (excellent), pan de Pascua le traditionnel cake aux fruits préparé pour Noel, etc...
Le 25, chacun profite de ses cadeaux, on chante en boucle les chants de Noel : El tamborilero, Pero mira como beben los peces en el rio,...
La cabana de l'Isla nous offre un cadre magique : des ibis s'installent dans la prairie et chantent à tue tête.
Le lendemain 26/12, nous partons relativement tot, on donne le premier coup de pédale à 9h.
On croise sur la route 11 cyclos (!) une veritable autoroute cette Ruta 7. Plus exactement on se fait doubler par eux. C'est sur, la veille a été une journée pluvieuse, tout le monde part au même moment. On discute un peu, on échange les bons plans avec ceux qui arrivent en sens inverse. Au global on fait beaucoup de rencontres sur cette Carretera Austral. Beaucoup de français, des suisses, des australiens, canadiens, etc... et surtout des chiliens. De belles rencontres.
Certains s'arretent pour offrir aux enfants gateaux, oranges, boissons sucrées, pommes, jambon de pays, etc... decidement les gens doivent croire qu'on ne les nourrit pas.ou qu'on fouette nos enfants pour les faire avancer. Mais quand ils voient leurs mines rejouies, ils sont vite rassurés.
Et je ne compte pas le nombre de fois ou les enfants sont pris en photo,  par les locaux et par les voitures qui s'arretent sur la route : "que lindo! que precioso! So good! great! wonderful! vous êtes mes heros!" et j'en passe. Les enfants sourient, ils sont flattés a longueur de journée. Un peu trop pour leur ego.
Ce qui amuse beaucoup les enfants, c'est de recroiser des têtes connues, chose frequente sur ces tronçons de Carretera. On retrouve ainsi Camille et Séverin, de Nantes, que l'on retrouvera sur le ferry. Chris et Hilary de Melbourne que l'on retrouve à 4 reprises sur notre route et avec qui les enfants feront de belles parties de "Carcassonne", jeu de société qu'ils transportent dans leurs sacoches.
Journée difficile pour ce 26 déc : la reprise apres 5 jours d'arret est rude. On longe de très jolies lagunes aux eaux bleu turquoise, mais les cotes sont interminables et la piste est en mauvais etat : terre sablonneuse, tole ondulée et pierres. Les rafales de vent nous freinent, on est parfois obliges de s'arreter pour ne pas tomber.
Une tendinite que je m'étais faite à la main droite me fait souffrir : mon vélo porte 28 kg supplementaires avec les réserves alimentaires et eau pour tenir jusqu'à Tortel.
On arrive le soir sur un lieu de bivouac indiqué par I-overlander : on a fini par installer l'appli, tout le monde nous en parle et en effet c'est bien pratique. Elle trouve pour vous le 1er lieu a proximite avec de l'eau, les coordonnees GPS exactes, etc. Plus besoin de chercher.
On s'installe au lieu indiqué, un peu en retrait de la route, endroit sympa, très spacieux, au bord d'un joli Rio, face a un glacier. Mais l'endroit est infesté de moustiques. En quelques minutes, le temps de planter la tente et faire un brin de toilette au rio, on est dévorés. On se réfugie dans la tente, sous la moustiquaire pour faire le travail scolaire.
Le lendemain on pédale davantage (43km), la piste est meilleure. Solène pédale seule sur certains tronçons. On voit sur le bord de la route des empreintes de huemul, cervidé particulierement protégé ici car en voie de disparition. Laurent et les filles laissent les vélos sur le bord de la route pour aller à sa rencontre : ils reviennent avec les chaussures pleines de boue et des photos de vache, rien de plus.
Le soir, on fait connaissance avec un gaucho tenant un camping  (très) rudimentaire : un peu grincheux au 1er abord, il nous invite a utiliser son four pour cuisiner la magnifique truite pêchée par Cyprien dans le Rio en contrebas : elle mesurait une cinquantaine de centimetres! J'aurais été bien embarassée pour cuisiner ça dans ma minuscule poele...
Le lendemain matin, de nouveau très grosse truite pêchée par Laurent, que l'on transportera sur le vélo pour la deguster le soir, après quelques arrets-minute dans l'eau fraiche des cascades. C'est repas de fête tous les soirs en ce moment !
Mais sous la pluie ce soir-là : le dernier bivouac avant Tortel aura eté  particulierement humide. La journée aussi: on pédale 38 km dans une atmosphere sub-tropicale, il pleuviote en continu avec quelques rayons de soleil par intermitence. Ici on n'evapore pas, l'air est saturé d'humidité. 
La piste est boueuse et ramollie par la pluie, pas facile de progresser.
Mais c'est merveilleux.
Ça nous rappelle l'ile du sud en Nouvelle Zélande. Ces 30 km avant Tortel, c'est un changement radical de paysage: la nature est luxuriante, les reliefs très verticaux, les glaciers blancs sur fond nuageux noir, de nouveaux pics enneigés apparaissent après chaque virage. Et surtout, une lumiere d'un autre monde: quand le soleil apparait en théophanie derriere les nuages, il eclaire d'une facon étonnante les vallees étagées, faisant apparaitre les reliefs decoupés des fjords qui se superposent.
Mais le plus surprenant ici, c'est la quantité d'eau qui dévale des montagnes. Avec une force incroyable. Ça fait d'ailleurs l'objet d'une grande polemique ici avec le projet -très controversé- d'installations hydro-electriques en Patagonie : Hydroaysen.
J'apprends ici que le Campos de Hielo qui va jusqu'au sud constitue, après l'Antarctique, la deuxième plus grande réserve d'eau douce du monde. Toute cette région au sud de Coyhaique était recouverte par les glaces il y a vingt mille ans. Et les fjords que l'on voit maintenant sont d'anciennes vallées glacières  formées par le retrait des glaces.
Aujourdhui, certains glaciers sont encore à portée de main: alors que dans l'hemisphere Nord il faut grimper à plus de 3000m pour y acceder,  ici ils sont au niveau de la mer. On aura l'occasion dans quelques jours d'aller au pied du glacier Perito Moreno, unique glacier qui avance de 2m par jour, ou l'on voit les blocs de glace se briser dans l'eau. Magique: un spectacle autant visuel qu'auditif.
Ce soir donc, le challenge est de trouver un endroit au sec pour la nuit. Pas commode: le sol est completement detrempé. On trouve enfin un terre plein de cailloux en bord de rivière, seul endroit non spongieux.
Le soir il continue de pleuvoir a grosses gouttes, puis c'est une pluie torrentielle qui s'abat sur notre toile de tente. Nuit difficile, on est inquiets avec Laurent pour le double toit : les coutures, à force d'etre sollicitees par les fortes pluies, laissent passer l'eau. De grosses gouttes tombent dans l'entree. En milieu de nuit, la pluie s'infliltre par dessous. Une flaque d'eau s'est formée sous le tapis de sol de la tente des enfants : le matelas et duvet de Solène est trempé, Cyprien a son matelas mouillé egalement au petit matin. Ça ne les a pas empeche de dormir comme des loirs.
Heureusement on arrivera très vite a Caleta Tortel pour se mettre au sec dans une cabana et pour y faire secher tout notre materiel.
On apprend qu'il pleut 330 jours par an (!) a Tortel... situation banale donc.
Le village est surprenant : ici toutes les maisons sont construites sur piloti, et il n'y a pas de rues pour aller d'une maison a l'autre, tout est fait de passerelles et d'escaliers. En tout, 6 km de passerelles en bois! C'est la ville du cypres.
On assiste au dechargement des moutons :  les familles viennent chercher a l'arrivée des bateau leur animal, vivant, pour préparer l'asado, traditionnelle grillade pour le reveillon du nouvel an.
Le lendemain 30/12, on embarque a 23h a bord d'un bateau de croisiere de 180 passagers. Tout y est: cafeteria, salle de jeu, restaurant, grands écran tele,.... 
41 heures de navigation pour rejoindre Puerto Natales: nous y serons le 1er janvier après midi.
Emouvante traversée : la traversée des fjords patagons est splendide. Reliefs étagés, passages resserrés, cascades, végétation basse, espaces vierges, humides, de toute beauté. Et des couchers de soleil tardifs: le crepuscule en ces soirées d'été dure jusqu'à minuit.
On ne se lasse pas de regarder le paysage depuis le pont. Malgré le froid humide et saisissant. L'air est pur, le vent qui arrive des profondeurs glacées de l'Antarctique est vivifiant, pas de doute. 
Au moment de redescendre rejoindre les enfants, on les retrouve en train de papoter avec d'autres passagers et leur décrire les noms d'animaux avec l'appli Quiz (le macareux, l'huitrier, l'ibis et le carancho que l'on trouve ici, etc...). On se regarde avec Laurent, amusés -et satisfaits- de voir notre loulous discuter avec aplomb en espagnol. Magie du voyage. A peine 4 mois en Amérique du sud, et déjà une aisance incroyable pour échanger dans une langue qui leur est etrangere. Anglais, espagnol, ils s'adaptent selon la situation. Et surtout ils n'ont plus peur de parler.
La salle de restaurant ou nous prenons les repas possède de grandes baies vitrées, on voit passer à plusieurs reprises des bans de dauphins juste derriere la vitre, a 2 mètres de nous à peine. On aperçoit egalement des otaries, des pingouins nager et plonger dans l'eau, et de très nombreux oiseaux marins.
On fait une courte escale a Puerto Eden, village isolé, completement coupé du monde, aucune route ne les relie a l'exterieur : on se demande ce qui a poussé ces 175 habitants a venir s'installer ici... on est au bout du bout du monde. Climat tropical tempere comme a Tortel, tout est fait de passerelles egalement.
Le soir du 31 on s'est endormis a 22h, rien n'est organisé a bord. Tout le monde dort à points fermés pour le passage en 2018 quand je suis reveillee par le décompte du capitaine au micro : cinquo, quatro, tres, dos, uno, feliz anio! Le capitaine vient embrasser les quelques passagers installes en bas pour faire le fête, les bouchons de champagne sautent au plafond, on se fait des embrassades, ça danse. c'est très international: argentins, chiliens, hollandais, autrichiens, australiens,..
Le lendemain 1er janvier, nous arrivons à Puerto Natales. C'est une ville tres agréable au pied des pics enneigés, porte d'entree vers le fameux parc Torres des Paine. A suivre dans le prochain article!
Chaine dans les escaliers de Tortel pour décharger vélos et bagages. 

6 km de passerelles en bois, entretenues en commun
On debarque les moutons pour le traditionnel asado du nouvel an

Pret pour demarrer les festivités
Des passerelles a perte de vue
Tortel à maree basse 
A la cervezia de Tortel en attendant le ferry 
Huemul espece protégée: cervidé en voie de disparition 

Pique nique au soleil. Laurent fait des reglages.
Attention vent fort


Puerto Natales

3 commentaires:

  1. Alors là, Agnès, chapeau bas : caser "théophanie" dans un récit du bout du monde, c'est très fort ! 👍
    Bises, on suit vos péripéties avec attention.
    Marc.

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  2. Rafraîchissant votre passage en l'an 2018 ! On sent d'ici l'air vivifiant qui vous entoure et vous porte...
    Bonne route !
    Caroline et Xavier

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  3. Il est encore temps, alors je vous souhaite une excellente année 2018, pleine de belles couleurs, de belles rencontres, de beaux paysages, de beaux souvenirs.

    Continuez à nous faire rêver, bonne route.

    Yannick N&S

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