vendredi 9 mars 2018

Pédalons en Tassie, par Laurent


Sur les pistes du Centre Tasmanie
  
Nous quittons la nouvelle Zélande le 18 février avec la famille Dagoneau qui nous livre les bagages et les vélos directement à l'aéroport. La logistique de nos cinq vélos et cinq gros bagages est le point noir de notre voyage. Parfois nous recevons de petits coups de pouce qui simplifient tout. Nous en avions bénéficié avec Ashley aux USA ou avec Julien & Vanessa à Santiago. 
Après des heures de vol pour Hobart au sud de la Tasmanie via Sydney, nous débarquons vers les 21h. Le temps de remonter les vélos, nous sommes prêts vers minuit. Trop noir pour pédaler, hotel non réservé car c'est pas pour nous... Mais on sait qu'une solution va se profiler. La première expérience avec les locaux sera très appréciée. Les agents de sécurité de l'aéroport nous proposent un vieux local abandonné sur le parking. 100 m à parcourir et nous voilà sous un toit, avec eau et électricité. Le summum pour les Bru. Cela se passe en toute simplicité. Très bon début pour notre aventure australienne. 

Le lendemain on pédale un tout petit peu vers l'est en abandonnant l'idée d'aller à Hobart. On veut voir du pays. On s'arrête très vite à Sorell qui est l'embranchement entre la route de port Arthur au sud avec sa prison de bagnards et notre route vers le nord en longeant la cote est.  On rencontre Margaret, volontaire à l'Office de tourisme de Sorell. On cherche une solution pour réaliser un aller retour rapide vers Port Arthur sans les vélos. Finalement elle nous propose d'héberger les vélos chez elle. Tout simplement. On accepte. Et nous voilà le même jour à embarquer vers les 16h30 dans un School bus à destination de Port Arthur. Le bus est bondé de jeunes lycéens résidant dans des fermes éparpillées dans la péninsule.

Nous nous basons dans un camping magnifique en bord de mer avec de majestueux eucalyptus qui nous domineront durant toute notre aventure en Tasmanie. Je ne sais pas pourquoi, mais ces arbres me fascinent. Leur expression est sauvage avec des écorces écorchées, des formes parfois torturées, des dimensions peu connues en Europe. Les sous-bois sont tellement différents de ceux de chez nous, très secs, craquants, très fournis, aux espèces de plantes inconnues. La Tasmanie c'est beaucoup de plantes et espèces animales endémiques. On y vient avant tout pour cela. Des paysages hors du commun en découlent. 

Le temps de planter la tente et nos premiers wallabies sortent du bush. Pas timides du tout car habitués aux campeurs. Un wallabie viendra même me renifler la main. 

Le lendemain nous allons visiter la fameuse prison où des milliers de bagnards y ont été enfermés pour effectuer toutes sortes de travaux et tâches pénibles. 
C'est un véritable village qui y a été construit. Difficile de s'échapper de cette péninsule contrôlée à sa sortie et dont les eaux maritimes sont infestées de requins. 

De retour vers le camping nous longeons de petites criques absolument paradisiaques. Une eau si claire, cristalline et un sable blanc. Une prison dans un paradis ou peut être le contraire. 

Nous croiserons lors du repas un cyclo français: Camille. Gentiment il nous fournira quantité d'informations sur notre future route.

Très tôt le lendemain nous retrouvons notre bus scolaire, à 6 h du mat et nous voilà de retour chez Margaret et John pour récupérer bagages et vélos. En bonus ils nous offrent un splendide breakfast. Les tasmans ont un relationnel simple et plein de bonnes intentions. Cela aide beaucoup à se sentir bien en ce lieu si reculé. 

Nous les quittons pour amorcer notre périple. Nous serons forcés de suivre une route passante sauf pour les premiers km ou l'on s'offre une route détournée faite d'une piste en terre rouge à l'ombre des eucalyptus. Un des meilleurs moments. Une belle côte mais très peu de passage. On se réjouit de retrouver une nature préservée. Notre route sera par contre ponctuée continuellement d'odeur cadavérique. Dès que des bois apparaissent au loin, on est quasi sûr que des wallabies s'en seront échappés pour se faire écraser par un véhicule. Il n'est pas rare du tout de compter un cadavre tous les 100 m à différents stades de décomposition. Les opposums font partie de l'hécatombe. Je réalise alors que dès que l'homme  s'efface, la nature retrouve les moyens de reprendre le dessus au point de "déborder" de vie.

Sur la route nous croisons une mère de famille nombreuse qui nous indique un lieu de campement près de sa maison. On l'y retrouvera avec ses enfants. Elle ne cessera de nous rendre des services en nous offrant eau potable, fruits, bons conseils... La magie des rencontres continue.

Le jour d'après est celui de la route côtière. Belle route mais assez passante et donc un peu dangereuse. On n'est pas tranquilles. Nous arrivons le soir à Triabunna. Point de départ pour l'île de Maria Island, une belle réserve de la faune locale. Mais le temps devient très menaçant et les prix d'accès à l'île sont exorbitants. Nous dormons dans le village derrière le pub. Et à contre-coeur nous poursuivons notre route. 

Effectivement le lendemain la pluie bat. Nous pédalons jusqu'à midi avec nos imperméables. Nous nous mettons à l'abri d'un cyprès à l'entrée d'une ferme pour manger. La pluie s'intensifiant, la fermière nous prie de bien vouloir nous mettre à l'abri dans un ancien hangar de pompiers. Nous acceptons et décidons d'y rester pour la nuit car le temps est exécrable. Nous posons la tente dans le local car d'énormes araignées nous y guettent lors du ménage. Moment privilégié pour faire l'école sous le préau au bruit de la pluie sur la tôle. Ici tout est en tôle. La fermière nous offre salle de bain, WC, internet. La générosité tassie est sans limite. 

Swansea sera l'étape du lendemain avec une pause à midi sur une belle plage décorée de milliers de coquillages. Un pêcheur n'échappe pas aux questions de Cyprien. 

Arrivés à Swansea nous faisons nos courses, retirons de l'argent...jusqu'à ce que Donnalee m'accoste pour nous inviter chez elle et son mari Pete. Aussi simplement que cela. 

Nous décidons de répondre avec enthousiasme à leur invitation. Sur le chemin nous menant chez eux, un couple nous accoste et insiste pour nous donner à boire. On s'accorde 30 min pour faire leur connaissance. Un beau témoignage de plus. Arrivés chez Donnalee et Pete nous sommes d'abord surpris par leur propriété avec une nature très préservée. Normal ils sont tous les deux rangers. La classe !
Puis en entrant dans leur maison nous sommes frappés par les volumes généreux des pièces, très colorés, très vivants. Tous deux sont artistes. Musiciens et peintre. Ils aiment laisser à portée de main quantité d'instruments pour que les uns et les autres chantent ou jouent ce qu'il leur vient en tête. 
Pete et Donnalee sont particulièrement ouverts aux autres. Ils semblent aimer leurs semblables. On se sent bien tout de suite. On atteint le nirvana de l'accueil sans limite. Ferions-nous aussi bien qu'eux ?...

Le lendemain nous les quittons pour la presqu'île de Freycinet ou pour l'intérieur des terres. Un arrêt au centre d'information nous apprend qu'aucun bus ne pourra transporter nos cinq vélos pour quitter la péninsule. Nous devons donc rejoindre notre étape finale de Devonport par nos propres moyens. L'aller retour pour la péninsule nous prendrait trop de temps. On décide donc d'entamer l'intérieur de l'île en se disant qu'avec la voiture de location que nous aurons en fin de périple nous permettra peut être de revenir sur la côte. 

600 m d'ascension que nous entamons. En fin d'après midi on cherche un bivouac mais ici tout est privé et clôturé. On s'introduit dans des sous bois reculés et cachés depuis la route. Dans cette nature sauvage, nous y passerons des moments forts. Au milieu de la nuit je me retrouverai face à face avec un opossum à le prier de bien vouloir cesser de fouiller nos poubelles et gamelles. 
Les oiseaux de toutes sorte chantent, crient, hurlent. C'est parfois le délire dans les bois.

Le lendemain nous atteignons sur la route b34 le Lake Leake réputé pour ses truites. Cyp nous met la pression. On y croisera notre premier wombat...mort. 
La sécheresse créera des conditions défavorables  pour la pêche. Le fiston est déçu. Mais au petit matin, le mariage de la brume sur le lac avec ses troncs d'arbres morts émergeant de l'eau nous offrira un spectacle féerique. 

La descente vers Campbell Town sera aisée. Le camping municipal sera encore et encore  l'occasion de discuter avec d'autres voyageurs bien souvent australiens. 

Sur cette large plaine nous progressons bien mais la menace d'un orage nous oblige à sonner chez une dame. En effet des éclairs et un vent violent se lèvent. On demande l'abri d'une grange. Mais pour la première fois cela nous est refusé. La dame naïvement nous encourage à aller voir 20km plus loin avec un petit sourire innocent.  

Finalement nous irons frapper chez ses voisins immédiats, une famille de 11 enfants. Le père est employé dans la ferme attenante.  Ils n'ont rien mais donnent tout.  On s'installe avec la tente sous un préau. On y fait l'école.  Puis un flux continu d'enfants défile pour inviter les nôtres à divers jeux improvisés. On se croirait avec Hawk et Tom Sawyer dans le Mississippi. Tous pied nus, à courir dans tous les sens, en réalisant des cascades risquées, et tout cela avec des éclats de rires. 

Encore une chouette rencontre. 

Nous enchaînons le lendemain les km, passons par Cressy capitale de la pêche à la truite. Cyprien devient fou. Des panneaux, des signalisations en forme de truite. Ici tout est truite. Il tente de pêcher dans le cours d'eau...rien!  

Le soir nous campons à Bracknell. Petit camping gratuit longé d'un cours d'eau. Quel bonheur !
Le lendemain, Peter un campeur voisin invite Cyprien à découvrir la pêche à la mouche. Il est heureux. 

Nous roulons jusqu'à Deloraine, occasion depuis le camping du beau centre ville de voir nos premiers ornithorynques. En bord de rivière Cyprien pêche son premier poisson de rivière Tasman. Il en pleure presque d'émotion. C'est à dire que juste avant il était en slip dans l'eau froide pour décrocher sa ligne prise dans une branche.  Nous assistons à une messe catholique dans les hauteurs avec une communauté assez fournie. Cela nous fait du bien car nous n'avions eu l'occasion d'aller à la messe depuis un moment. Le lendemain sera paisible avec la visite du marché local. Nous y offrirons des burgers fermiers aux enfants. Miam. 

Nous quittons cet agréable coin pour finalement 60 km de route. Nous croisons un autre échidné qui semble se régaler d'une fourmilière à l'aide de son museau en trompe. Les enfants adorent. On pédale ainsi jusqu'à l'approche de la côte. A un stop un monsieur en voiture rouge nous aborde, il doit être environ 17h. Il nous propose de planter la tente chez lui. On accepte. Et on a très bien fait. 
Il s'appelle Murry et elle Susana. Il nous mène dans sa maison très moderne sur un terrain de 3 hectares. Les jeux qui traînent ici et là n'échappent pas à nos enfants. Après une nuit réparatrice, les enfants sont invités à faire du mini quad thermique. Devinez ? Ils acceptent. Pendants 2 ou 3 heures cela va pétarader non stop dans le bush environnant. Les enfants sont aux anges. Surtout Joséphine qui adore la moto. Allez savoir pourquoi.
Nous discutons avec Murry qui nous explique que cette maison est le fruit de beaucoup de travail et volonté car il vient d'un milieu modeste au départ. 
L'après midi nous allons manger sur la plage de Port Sorell. Cyprien nous presse afin d'aller pêcher depuis des rochers. Le site est magnifique. Notre pêcheur ramènera un poisson pour le repas du soir. À chaque fois il réclame des selfies pour alimenter ses échanges avec son oncle JB et ses cousins d'Avignon. En effet il les met en appétit pour les motiver à pêcher avec lui lors de notre retour. 
De retour le soir chez Murry et Susana, la famille Bru est invitée à se baigner dans la piscine. Vous comprendrez que c'est gênant de refuser. 
Dixit les petits Bru : "ça aura été une de mes meilleures journée du voyage". Pas plus beau remerciement pour Murry et Susana que l'on quitte avec émotion. 

Ayant de l'avance sur le planning on s'offre une nuit de plus au camping de Port Sorell. Nuit assez agitée. Wallabies en pagaille autour de la tente avec le bruit des sauts sur les écorces d'eucalyptus qui craquent. Les oiseaux chantent très tôt, mais parfois ils crient ou hurlent. C'est le délire dans les airs. 
Criera aussi Agnès lorsque de retour sur le lieu du repas elle découvre un énorme lézard sorti tout droit de la préhistoire. Les intimidations l'inciteront tout juste à regagner ses buissons. Plage et pêche ponctueront la journée en plus de l'école. 

Enfin le 7 mars au matin on enfourche nos bécanes pour un ultime trajet vers Devonport où nous prenons place dans un petit campground. Rien d'exceptionnel dans ce lieu de bivouac si ce n'est enfin le wifi. Nous réalisons alors la plus importante mise à jour du voyage du blog avec un mois et demi de retard. PC et smartphones tournent à plein régime. Agacements face aux coupures de connexions... On occupe les enfants en leur proposant des avions en papiers. Ils sont de plus en plus complices dans leurs jeux et le plus spectaculaire est le développement de l'imaginaire. N'ayant pas de jouets, à l'occasion même d'une pause vélo de cinq minutes, ils sont désormais capables de se plonger dans un contexte ou un monde hors de la réalité. Les histoires et personnages se créent spontanément. J'en suis très surpris. Cyprien aime diriger ces mises en scène, ses deux soeurs sont très complices. Attention cela ne signifie pas que les disputes ont disparu, mais de tels moments magiques ont le mérite de ponctuer nos semaines à vélo. 

Le 8 mars nous visitons le centre de Devonport et retrouvons nos warmshower, réseau d'accueil intercyclistes. Sarah nous reçoit avec ses deux jeunes fistons rouquins. Mais leur papa ne rentre que toutes les six semaines. En effet, il navigue à bord de portes containers dans le nord de l'Australie. 
Vie pas facile pour Sarah qui toutefois nous reçoit très bien. Occasion de se doucher, faire une machine de linge.
Le lendemain nous irons pêcher avec ses enfants juste en face sur la jetée. Cyprien prend deux poissons. L'un trop petit, l'autre mortel. Mais sa technique s'affine. 
Nous pique-niquons près de la plage en bénéficiant des aires aménagées pour les barbecue. On presse un bouton et voilà la plaque en inox qui chauffe. La visite de la ville de Devonport est assez rapide. Longer la cote est sûrement la meilleure chose à voir. Le soir les enfants sont récompensés d'un burger bien mérité. De retour chez Sarah nous bouclons les bagages du lendemain puisque nous allons laisser les vélos durant dix jours afin de visiter le reste de la Tasmanie en voiture de loc.  Mais cela fera l'objet d'un autre article. 







Arrivée en Tasmanie, ça commence bien. 

Une nuit dans l'aéroport dans un local. 

Notre tout premier wallabie...vivant !

Visite de la prison de Port Arthur


Criques environnantes splendides

Feu de camp en Tasmanie. Incroyable non ?

Petits lapins australiens. 

Camping sauvage tel qu'on l'aime

Piste rougeâtre australienne

Solène est détachée car peu de trafic


  1. Essai boucles d'oreilles

Sieste au moment du soleil le plus intense. 

Plage juste avant Swansea. 

Mouettes en attente de nos miettes. 

En longeant la côte Est

Pause boisson spontanée à Swansea. 



Donnalee et Pete nos amis rangers. Top. 

Bivouac dans le bush. 

Les coureurs des bois. 

Eucalyptus géant coupé. 


Piste

Surréaliste. 

La famille aux 11 enfants. 

Joséphine l'amie des animaux. 

La région est ventée

Cyprien devant sa plus grosse truite. 



Pêche à la mouche. 

Animal mort en bord de route. 

Première prise en rivière. 

Étape de rêve pour nos enfants avec le quad. 


Pêche avec Sarah de Devonport. 

Pause dans les rues de Devonport. 

2 commentaires:

  1. Fabuleux ! je viens de m'offrir un moment de découverte en lisant vos articles ! merci de nous faire partager toutes vos découvertes et bravo aux enfants pour les reportages. Bonne continuation

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  2. Voyage et récit toujours aussi passionnants !
    Merci.Isabelle & JB

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